Dans un ancien garage reconverti en atelier, à Bruxelles, se niche la collection d'oeuvres insolites de Mireille Liber (B.Mirele), un ensemble couvrant quinze années d'activité artistique.
L'artiste se définit comme autodidacte et nie toute démarche conceptuelle dans ses travaux.
" Ce sont les matériaux qui dictent les formes que vont prendre mes créations, je n'ai au départ aucune idee du résultat final. Il y a une grande part de hasard, d'intuition dans mon travail. J'utilise essentiellement des matériaux manufacturés, mis au rebut : métal rouillé, papiers et cartons, fragments de meubles, bouchons de liège, etc., auxquels viennent se mêler d'autres ingrédients - généreuses pincées de cauchemar, de folie, de peurs, d'inattendu, d'humour... "
Entre art singulier et art brut, les sculptures, assemblages, collages, peintures et céramiques s'inspirent de l'art ethnique , de l'expressionnisme belge et de la littérature fantastique.
Visite de la collection sur rendez-vous.
Mirele, la cuisinière des élémentaires
par Dov Bernard Hercenberg
Cette œuvre marque par sa singularité.
Elle est surgissement depuis un silence bien particulier, émergence à partir du brut, d’un informe qui précède la pensée.
L’advenir qui est là est pris à la base, il remonte depuis un tréfonds, il est pousse en avant à partir d’un anonymat du monde, de lui-même et de sa propre parole qui nous est adressée depuis une nuit négligée. Ici le Borborygme qui mugit dans le fond de l’univers prend visage et devient langage.
Pas de rupture entre l’aller chercher du primaire, de la matière première, et de sa mise en forme pour lui faire crier ce qui est en elle. Pas de perte en cours de route : du tréfonds à l’ici présent est un même jet qui façonne les choses depuis leur antériorité propre. Pas de rupture, pas de camouflage, pas de jeu, pas d’artifice dans ce cheminement. Il est d’un seul tenant dans sa confrontation entre le non-dit et ce qui s’impose à nous dans une expression qui se donne comme choc, parce que sa force n’est pas déviée. Il n’y a pas de dissimulation là-même où l’œuvre est traversée par le motif du masque.
Quelque chose tonne, étonne et s’impose.
Ce travail maintient tout du long de sa montée au jour sa continuité, et ainsi rompt avec le quotidien qui nous habitue au relâchement, à la complaisance quant au rapport entre tréfonds et représentation.
Cette mise en route non interrompue dans le faire venir de la forme tire au forceps le titanesque pour lui octroyer un regard dans la communauté des hommes.
Révélation de l’élémentaire, de l’insoupçonné et de l’insigne : pas seulement avec des papiers mâchés, des bouchons aux bouteilles déjà bues, des morceaux de fer rouilles, des bois rejetés par la mer ou l’indifférence humaine, mais tout autant dans le choix d’aliments élaborés en mets toujours renouvelés aux saveurs fines et surprenantes, occasions pour nous de méditer sur les potentiels naturels élaborés pour le plaisir gustatif et la joie de se laisser surprendre. Libérer la saveur des ingrédients culinaires, la tirer de sa réserve, amener ce qui est en retrait dans le divers vers sa propre éclosion. Mirele, cuisinière des élémentaires en leur diversité. Nourritures pour les yeux, le palais ou l’esprit en quête d’imprévu : peintures, sculptures, papiers mâchés…où se rencontrent des éléments connus pour leurs complémentarités ou au contraire, au départ, étrangers les uns aux autres, mais où, sous une impulsion particulière, un être fort se révèle du milieu du disparate ou de ce qui n’a pas été véritablement pris en compte.
Provoquer donne ici une nouvelle nécessité. Toujours du dedans, même où l’assemblage impose une ré-vision.
Fidélité qui sait trouver dans l’élémentaire le début du sens, de la saveur et la surprise, capacité, dans la discrétion et le silence à s’approcher du simple et du grégaire pour les redonner plus forts qu’eux-mêmes, au-delà d’eux-mêmes mais toujours en lien avec leur être premier. Nous montrer ce qu’il peut en être de ce que nous n’avons pas encore vu, mais qui désormais s’impose, parce que ce travail sait ouvrir notre regard a ce qui sourd du monde.
Dov Bernard Hercenberg, Philosophe
2012
Mirele B. : Sculpture, Painting
par Zvi Tolkovsky
The spiritual world of autodidact artist Mirele B. is entirely connected to the elements of her creation.
Mirele gathers derelict bits and pieces she finds around the city’s waste grounds, organic fragments as well as rusty industrial leftovers. She treats and transforms the raw material with a sensual touch, avoiding any show or veneer of elegance.
Mirele’s images-bold, quasi-ritual, quasi-theatrical gestures-seem to be rooted in a disappearing culture, evoking a religious gesture, a spirit that rises from archaic times.
The works are not polished. What they offer is a mute, momentary state of affairs, and it is left to the viewer to develop the means of approach and dialogue with them.
An intimate look through the heterogeneous cracked outer shell of Mirele’s art will then reveal complex subsystems of depth, where unease and stability are uncomfortably mixed, similar to the mechanisms operating the center stage of a living theatre.
Mirele’s miniature paintings show vivid colours while her sculptures are restrained, monastic, monochromatic. Drawing on history, it is possible to imagine the pieces animated, marching as a crowd, wearing masks, recalling the painting of Belgian artist James Ensor “ The entry of the Christ in Brussels ” – an imaginary-theatrical journey to Mirele’s city of origin.
Zvi Tolkovsky, artist